1. Le référentiel normatif

1.1 Le cadre juridique national sur l’accès à l’information publique

Le droit d’accès à l’information est défini par un ensemble de textes législatifs et réglementaires. Ce droit a été spécifiquement introduit par la réforme constitutionnelle de 2011, mais le principe de transparence des informations publiques se retrouve également dans d’autres textes. Cette partie a pour objectif de désigner les différents textes juridiques encadrant une obligation de transparence des administrations publiques, des établissements publics et des collectivités territoriales. Ce référentiel normatif fixe les obligations de publication et sert ainsi de cadre général pour la définition de l’indicateur SMIIG-DATA.

1.1.1 La Constitution

La loi fondamentale prévoit dans son article 27 la disposition suivante :

« Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger les sources des informations et les domaines déterminés avec précision par la loi. »

1.1.2 La loi 31-13 relative au droit d’accès à l’information publique

L’article 27 de la Constitution a été précisé par la loi 31-13 relative au droit d’accès à l’information. Cette loi, promulguée le 22 février 2018 et publiée le 12 mars 2018, fixe le champ d’application du droit d’accès à l’information. Elle établit la liste des institutions publiques concernées, les modalités d’obtention de l’information publique, ainsi que les données que les citoyens doivent pouvoir obtenir. La loi 31.13 est entrée pleinement en vigueur le 12 mars 2020, et elle est un pilier majeur de l’indicateur SMIIG-DATA étant donné qu’elle établit les informations à partager de manière proactive (Article 10).

1.1.3 Les lois organiques sur les collectivités territoriales

Par ailleurs, d’autres lois incluent des dispositions relatives à l’obligation de publication des informations publiques. Il s’agit notamment des textes suivants:

1.1.3.1 La loi organique nº113-14 relative aux communes qui dispose :
  • Dans l’article 194 : « …. Le président doit déposer le budget au siège de la commune dans les quinze jours qui suivent son visa. Le budget est mis à la disposition du public par tout moyen de publicité. » 
  • Dans l’article 272 : « … La commune programme, dans l’ordre du jour de son conseil, l’examen des rapports d’évaluation, d’audit et du contrôle et la présentation du bilan. Ces rapports sont publiés, par tous moyens convenables, afin que le public puisse les consulter. »
  • Dans l’article 275 : « … Le président du conseil de la commune, ainsi que les personnes morales de droit public ou privé qui gèrent un service public relevant de la commune, doivent élaborer et communiquer au public des états comptables et financiers relatifs à leur gestion et à leur situation financière. Ces états peuvent être publiés par voie électronique. »
1.1.3.2 La loi organique nº 112-14 relative aux préfectures et provinces qui dispose :
  • Dans l’article 216 « La préfecture ou la province, programme, dans l’ordre du jour de son conseil, l’examen des rapports d’évaluation d’audit et du contrôle et la présentation du bilan. Ces rapports sont publiés, par tous moyens convenables, afin que le public puisse les consulter. Les délibérations peuvent être publiées dans un site électronique propre au conseil de la préfecture ou de la province » 
  • Dans l’article 217 : « Le président du conseil procède à (….) L’affichage des délibérations au siège de la préfecture ou de la province, dans un délai de dix (10) jours. Les citoyennes et citoyens, les associations et les divers acteurs ont le droit de demander la consultation des délibérations, conformément à la législation en vigueur. »
1.1.3.3 La loi organique nº111-14 relative aux régions qui dispose :
  • Dans l’article 246 « … La région programme, dans l’ordre du jour de son conseil, l’examen des rapports d’évaluation, d’audit et du contrôle et la présentation du bilan. Ces rapports sont publiés, par tous moyens convenables, afin que le public puisse les consulter ».
  • Dans l’article 247 « Le président du conseil procède à l’affichage des délibérations au siège de la région, dans un délai de dix (10) jours. Les citoyennes et citoyens, les associations et les divers acteurs ont le droit de demander la consultation des délibérations, conformément à la législation en vigueur »

1.1.4 La Charte commune des portails internet institutionnels

A la suite du lancement du plan Maroc Numérique 2013, le Maroc a investi des moyens techniques et financiers modernes permettant de faciliter aux citoyens l’accès à un grand nombre de services et d’informations à travers l’usage des technologies de l’information et de communication. Dans ce contexte, le comité de pilotage du programme e-Gov a élaboré la Charte commune des portails institutionnels. Cette charte n’a pas un caractère légalement contraignant, cependant son application permet d’améliorer notablement l’accessibilité de l’information mise à la disposition des citoyens à travers les sites web institutionnels.

1.2 Les engagements internationaux du Maroc

Le Maroc est tenu de respecter ses engagements internationaux visant à améliorer son niveau de transparence et de gouvernance. Ainsi en est-il de la convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC), signée en 2003 et ratifiée par le Maroc en 2007, et du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (OGP) auquel le Maroc a accédé en 2018 sur la base de nombreux engagements relatifs à la promotion de la transparence.

1.2.1 Le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert

Le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO) a été créé en 2011 à l’initiative de 8 pays : les États-Unis, le Brésil, l’Indonésie, le Mexique, la Norvège, les Philippines, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud. Le Maroc a officiellement rejoint le PGO en avril 2018.

Cette initiative vise à engager les gouvernements dans un effort de transparence, afin de promouvoir la démocratie participative en mettant le citoyen au cœur de la gestion de la chose publique. Les pratiques promues ont pour objectif l’autonomisation des citoyens, la lutte contre la corruption et l’usage des nouvelles technologies pour la bonne gouvernance.

Le Maroc a pris 18 engagements dont 6 relatifs au droit d’accès à l’information :

  • Engagement 1 : Sensibilisation de l’opinion publique sur le droit d’accès à l’information.
  • Engagement 2 : Désignation et formation des chargés de l’information au niveau des administrations et établissements publics.
  • Engagement 3 : Création d’entités administratives chargées des archives et formation de formateurs en matière de gestion des archives.
  • Engagement 4 : Renforcement de la publication et de la réutilisation des données ouvertes.
  • Engagement 5 : Mise en place d’un dispositif de partage des données environnementales (Observatoires nationaux de l’environnement et du développement durable).
  • Engagement 6 : Mise en place du portail de la transparence.

A ce jour, seul l’engagement 2 a connu des progrès significatifs, les cinq autres engagements sont en cours d’exécution et concernent notamment la création des entités administratives chargées des archives, la formation de formateurs en matière de gestion des archives et les dispositions relatives à la publication et à la possibilité de réutilisation des données ouvertes.

1.2.2 La Convention des Nations Unies contre la Corruption

La Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) est un traité multilatéral de l’Organisation des Nations Unies adopté le 31 octobre 2003 par l’Assemblée générale. Elle énonce dans son avant-propos que « … La Convention contient toute une série de normes, de mesures et de règles que tous les pays peuvent appliquer pour renforcer le régime juridique et réglementaire de la lutte contre la corruption. Elle prévoit l’adoption de mesures préventives et la criminalisation des formes de corruption les plus répandues dans le secteur public et le secteur privé. Et elle marque un tournant décisif en ce qu’elle exige des États qu’ils restituent les fruits de la corruption au pays spolié… ».

L’article 10 de cette convention dispose : « Compte tenu de la nécessité de lutter contre la corruption, chaque État Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, les mesures nécessaires pour accroître la transparence de son administration publique, y compris en ce qui concerne son organisation, son fonctionnement et ses processus décisionnels s’il y a lieu. Ces mesures peuvent inclure notamment: a) L’adoption de procédures ou de règlements permettant aux usagers d’obtenir, s’il y a lieu, des informations sur l’organisation, le fonctionnement et les processus décisionnels de l’administration publique, ainsi que, compte dûment tenu de la protection de la vie privée et des données personnelles, sur les décisions et actes juridiques qui les concernent; b) La simplification, s’il y a lieu, des procédures administratives afin de faciliter l’accès des usagers aux autorités de décision compétentes; et c) La publication d’informations, y compris éventuellement de rapports périodiques sur les risques de corruption au sein de l’administration publique. »

1.3 Les recommandations des instances internationales et les bonnes pratiques

De nombreuses organisations de coopération multilatérales promeuvent des bonnes pratiques en termes de transparence. Ces bonnes pratiques reprennent généralement les principes édictés plus haut et les développent dans leurs champs de compétences respectifs. Ces orientations n’ont pas de valeur contraignante, mais sont vivement recommandées.

La Banque Mondiale énumère sept critères essentiels à une diffusion exhaustive de l’information publique :

Critère 1 : L’information doit être publique

Les données des administrations publiques sont traitées avec une volonté d’ouverture, dans les limites autorisées par la loi et conformément aux restrictions applicables (relatives notamment au respect de la vie privée, la confidentialité et la sécurité).

Critère 2 : L’information doit être accessible

Les données sont mises à disposition dans des formats pratiques, modifiables et ouverts qui permettent de facilement les obtenir, les télécharger, les indexer et y effectuer des recherches.

Critère 3 : L’information doit être explicite

Les données sont décrites de manière à ce que les utilisateurs aient suffisamment d’informations pour appréhender leurs forces et leurs faiblesses, leurs limitations analytiques et leurs exigences de sécurité, et sachent comment les traiter.

Critère 4 : L’information doit être réutilisable

Les données ouvertes sont mises à disposition avec une licence ouverte qui ne limite pas leur utilisation.

Critère 5 : L’information doit être complète

Les données sont publiées sous leur forme primaire (telles qu’elles ont été collectées à la source) avec le niveau de granularité le plus fin possible permis par la loi et les autres exigences applicables.

Critère 6 : L’information doit être actualisée

Les données sont publiées dans un délai qui préserve leur valeur.

Critère 7 : L’information doit être gérée après sa publication

Il existe un point de contact pour fournir une assistance à l’utilisation des données et répondre aux réclamations concernant le respect de ces exigences.

Le Fonds Monétaire International (FMI), dans son rapport intitulé « La Norme spéciale de diffusion des données : guide à l’intention des souscripteurs et utilisateurs » (2007), a établi un ensemble de recommandations pour la publication de données publiques. Dans son chapitre 7 « Accès du public, intégrité et qualité des données » (p.56-60), le FMI précise les conditions à respecter afin de garantir aux citoyens des données utiles. A cet effet, l’Etat doit fournir des informations complètes, actualisées, accessibles et réutilisables : « …le public doit pouvoir accéder aisément aux données, et sur un pied d’égalité ; les statisticiens doivent faire preuve de l’objectivité et du professionnalisme nécessaires pour assurer l’intégrité des données ; enfin, les méthodes d’établissement des données et leurs sources doivent être divulguées pour permettre aux utilisateurs de juger de leur qualité en toute connaissance de cause »

L’OCDE pour sa part insiste sur le caractère ouvert (open data) des informations, en particulier des statistiques dans son rapport « Recommandation du Conseil de l’OCDE concernant les bonnes pratiques statistiques » (2015).

 « Assurer la simplicité de la diffusion et de l’accès aux données, de sorte que les statistiques soient présentées sous une forme claire et compréhensible, diffusées d’une manière pratique et adaptée, y compris sous une forme lisible par ordinateur (« données ouvertes »), facilement localisables, et disponibles et accessibles de manière impartiale avec des métadonnées et des explications. Cette exigence entraîne également l’engagement à répondre aux interprétations erronées importantes que pourraient faire les utilisateurs. » (p.24)

L’UNESCO, dans son rapport « Vers un droit d’accès à l’information publique au Maroc : Etude comparative avec les normes et les meilleures pratiques dans le monde » met le point sur les nombreux avantages  liés au partage de l’information publique« La publication systématique de certaines catégories de documents, dès leur production, présente de nombreux avantages : elle allège la tâche des administrations sollicitées, en réduisant le nombre de demandes à traiter, et elle leur évite d’avoir à répondre plusieurs fois aux mêmes demandes. Elle améliore la gestion interne de l’information et donc l’efficacité de ces administrations. L’accès à l’information ne se trouve plus limité aux usagers qui en connaissent les modalités et sont familiers des rouages de l’administration. C’est l’ensemble des citoyens qui peuvent en disposer. Leur participation aux affaires publiques s’en trouve encouragée puisqu’ils peuvent accéder plus rapidement à l’information sans avoir à faire une demande. »