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{"id":6870,"date":"2020-10-16T12:38:20","date_gmt":"2020-10-16T10:38:20","guid":{"rendered":"http:\/\/old.tafra.ma\/?p=6870"},"modified":"2021-02-08T10:35:12","modified_gmt":"2021-02-08T09:35:12","slug":"calcul-et-si-les-elections-de-2016-avaient-ete-reformees","status":"publish","type":"post","link":"http:\/\/old.tafra.ma\/calcul-et-si-les-elections-de-2016-avaient-ete-reformees\/","title":{"rendered":"Calcul. Et si les \u00e9lections de 2016 avaient \u00e9t\u00e9 r\u00e9form\u00e9es ?"},"content":{"rendered":"\n
Introduction<\/h2>\n\n\n\n
A quelques mois des \u00e9ch\u00e9ances \u00e9lectorales l\u00e9gislatives et locales, les discussions sur le d\u00e9coupage \u00e9lectoral et le mode de scrutin refont surface. A raison d\u2019ailleurs, puisqu\u2019une modification des r\u00e8gles du jeu peut profond\u00e9ment changer la configuration du parlement et l\u2019\u00e9quilibre des forces politiques qui y si\u00e8gent. Mais s\u2019il n\u2019est pas \u00e9tonnant que chaque parti d\u00e9fende les r\u00e8gles qui lui assurent un maximum d\u2019impact, les d\u00e9bats qui en r\u00e9sultent peuvent sembler inintelligibles. Aujourd\u2019hui, l\u2019on discute de changer la mani\u00e8re dont on d\u00e9finit le quotient \u00e9lectoral dans le cadre du scrutin proportionnel utilis\u00e9 lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives. A la demande du Magazine Telquel, nous avons fait le calcul pour mesurer l’impact potentiel d’une telle r\u00e9forme.<\/p>\n\n\n\n
Quotient \u00e9lectoral et scrutin proportionnel, des explications <\/h2>\n\n\n\n
D\u2019abord, le scrutin proportionnel, que l\u2019on utilise au Maroc lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives. Dans ce mode de scrutin, l\u2019objectif est d\u2019allouer des si\u00e8ges au parlement. L\u2019id\u00e9e est que l\u2019on alloue des si\u00e8ges proportionnellement au nombre de voix obtenues. Un parti qui obtient 30% des voix obtiendrait ainsi 30% des si\u00e8ges. Si l\u2019id\u00e9e est simple, la pratique est plus compliqu\u00e9e. En effet, il y a un petit nombre de si\u00e8ges (g\u00e9n\u00e9ralement 2 ou 3 par circonscription), et on ne peut pas allouer des quarts de si\u00e8ge. Comment g\u00e9rer le probl\u00e8me de l\u2019arrondi ? Au Maroc, on utilise la m\u00e9thode du \u201cplus fort reste\u201d. On commence par d\u00e9finir la valeur d\u2019un si\u00e8ge, le fameux quotient \u00e9lectoral\u2009: combien faut-il de voix pour gagner un si\u00e8ge ? Il y a beaucoup de mani\u00e8res de d\u00e9finir ce quotient \u2014 c\u2019est justement ce dont discutent les politiciens aujourd\u2019hui \u2014 mais \u00e0 l\u2019heure actuelle, on utilise au Maroc une m\u00e9thode tr\u00e8s simple : on divise le nombre de voix valides (donc hors votes blancs ou nuls) par le nombre de si\u00e8ges. S\u2019il y a 2 si\u00e8ges en jeu et 100 voix au total, un si\u00e8ge vaut 100 \/ 2 = 50 voix. Disons que lors de cette \u00e9lection, le parti A remporte 60 voix, le parti B 30 voix, et le parti C 10 voix.<\/p>\n\n\n\n
Le parti A remporte le premier si\u00e8ge. Mais qui va remporter le deuxi\u00e8me si\u00e8ge, vu qu\u2019aucun des partis n\u2019a obtenu les 50 voix n\u00e9cessaires ? C\u2019est l\u00e0 qu\u2019on regarde les restes. Il reste 10 voix au parti A, 30 voix au parti B, et 10 au parti C. On donne le si\u00e8ge restant au parti B, qui a le \u201cplus fort reste\u201d. <\/p>\n\n\n\n
Les effets de la r\u00e9forme<\/h2>\n\n\n\n
La r\u00e9forme en discussion est de d\u00e9finir le quotient \u00e9lectoral en utilisant non pas le nombre de bulletins valides mais le nombre d\u2019inscrits sur les listes \u00e9lectorales. Parmi les inscrits, certains ne vont pas voter (les abstentionnistes), et parmi ceux qui vont voter, certains n\u2019expriment pas de votes valides (les votes blancs ou nuls). La cons\u00e9quence, c\u2019est que la valeur d\u2019un si\u00e8ge augmente. Prenons notre circonscription imaginaire, et supposons qu\u2019il y ait 200 inscrits. Avec la r\u00e9forme, le quotient \u00e9lectoral passe de 50 \u00e0 100. Aucun des partis ne gagne de si\u00e8ges au premier round, et, quand on consid\u00e8re les restes, le parti A gagne le premier si\u00e8ge, et le parti B gagne le deuxi\u00e8me si\u00e8ge. Dans notre circonscription donc, pas de probl\u00e8me : la nouvelle r\u00e8gle ne change pas l\u2019issue de l\u2019\u00e9lection. En principe, c\u2019est possible, parce qu\u2019en rendant les si\u00e8ges plus co\u00fbteux, la r\u00e8gle favorise un passage au deuxi\u00e8me round, o\u00f9 les plus petits partis ont plus de chance de gagner des si\u00e8ges.<\/p>\n\n\n\n
Quel serait l\u2019effet de cette r\u00e9forme ? Pour r\u00e9pondre \u00e0 la question, nous avons r\u00e9p\u00e9t\u00e9 les derni\u00e8res \u00e9lections, celles de 2016, et regard\u00e9 comment les si\u00e8ges auraient \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9s avec ces nouvelles r\u00e8gles. Trois cons\u00e9quences importantes en r\u00e9sulteraient. <\/p>\n\n\n\n
1. La r\u00e9forme b\u00e9n\u00e9ficie aux petits partis<\/h2>\n\n\n\n
Comme pr\u00e9vu, la r\u00e8gle b\u00e9n\u00e9ficie aux petits partis, et d\u00e9savantage les partis plus importants (cf. graphique). Une cons\u00e9quence majeure : ces petits partis permettent aux plus grands partis d\u2019obtenir les 50% n\u00e9cessaires pour avoir la majorit\u00e9 et former le gouvernement. Ce faisant, ils ont un impact sur l\u2019agenda du gouvernement bien sup\u00e9rieur \u00e0 leur poids \u00e9lectoral. En augmentant leur poids, on augmente aussi leur pouvoir de n\u00e9gociation. <\/p>\n\n\n\n
<\/figure><\/div>\n\n\n\n
2. La r\u00e9forme change la composition du gouvernement<\/h2>\n\n\n\n
Parmi les grands partis, la r\u00e9forme fait que c\u2019est maintenant le PAM et non pas le PJD qui ait la majorit\u00e9 des si\u00e8ges. Car, bien que le PJD et le PAM aient tous les deux beaucoup de voix, celles du PAM sont r\u00e9parties sur tout le territoire, alors que celles du PJD sont concentr\u00e9es surtout dans les grandes villes. La r\u00e9forme, qui augmente le poids des partis qui arrivent 2e<\/sup> ou 3e<\/sup>, avantage ainsi le PAM. Bilan : avec cette r\u00e9forme, on aurait eu un Chef du gouvernement issu du PAM plut\u00f4t que du PJD. <\/p>\n\n\n\n
3. La r\u00e9forme pose probl\u00e8me pour la constitution de la liste nationale<\/h2>\n\n\n\n
Lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives, les Marocains \u00e9lisent \u00e0 la fois les d\u00e9put\u00e9s de leur circonscription et les 90 d\u00e9put\u00e9s qui constituent les listes nationales. Le quotient \u00e9lectoral classique garantit que lorsqu\u2019on passe aux si\u00e8ges attribu\u00e9s selon les restes, il y ait moins de si\u00e8ges que de partis, ce qui fait que l\u2019on attribue un si\u00e8ge par parti au plus fort reste. Avec la r\u00e9forme, ce n\u2019est plus le cas. De fait, dans nos simulations, en ce qui concerne la liste des femmes, seuls 18 si\u00e8ges sont attribu\u00e9s au quotient \u00e9lectoral, laissant 42 si\u00e8ges vacants pour 8 partis en lice. Ce cas de figure n\u2019\u00e9tant pas pr\u00e9vu par le scrutin proportionnel au plus fort reste, nous avons exclu la liste nationale de nos simulations. Ceci dit, si nous choisissons d\u2019introduire cette r\u00e9forme, nous devrions nous interroger sur la proc\u00e9dure \u00e0 adopter dans ces cas de figure. <\/p>\n\n\n\n
Les limites de l\u2019exercice<\/h2>\n\n\n\n
Evidemment, les simulations que nous avons conduites ne donnent qu\u2019une indication de ce qui pourrait se passer lors des \u00e9lections de 2021. En interpr\u00e9tant ces r\u00e9sultats, il y a trois pr\u00e9cautions \u00e0 prendre. La premi\u00e8re est que, comme mentionn\u00e9 plus haut, nos estimations ne prennent pas en compte la liste nationale, car la nouvelle r\u00e8gle cr\u00e9e un cas de figure inattendu, dans lequel il y a plus de si\u00e8ges \u00e0 distribuer au plus fort reste qu\u2019il n\u2019y a de partis \u00e9ligibles. La deuxi\u00e8me est que les partis vont \u00e9videmment modifier leur strat\u00e9gie de campagne en r\u00e9ponse aux changements des r\u00e8gles. En particulier, il est fort possible que les plus grands partis fassent un effort de campagne plus important pour compenser le d\u00e9savantage cr\u00e9\u00e9 par la nouvelle r\u00e8gle. De m\u00eame, on peut anticiper que le PJD d\u00e9cide de diffuser sa campagne sur l\u2019ensemble du territoire, pour contrer l\u2019avantage donn\u00e9 au PAM par ce mode de scrutin. La derni\u00e8re limite de notre exercice est que les donn\u00e9es que nous avons utilis\u00e9es ne sont pas fiables. Le minist\u00e8re de l\u2019Int\u00e9rieur n\u2019a pas publi\u00e9 le nombre d\u2019inscrits dans les circonscriptions l\u00e9gislatives et nos demandes pour acc\u00e9der \u00e0 ces chiffres sont, \u00e0 ce jour, rest\u00e9es lettre morte. Pour pallier ce probl\u00e8me, nous avons utilis\u00e9 deux approximations. La premi\u00e8re consiste \u00e0 utiliser, au lieu du nombre d\u2019inscrits, la population en \u00e2ge de voter (donc le nombre de Marocains de plus de 18 ans vivant dans la circonscription, calcul\u00e9 gr\u00e2ce au recensement de 2014). La deuxi\u00e8me consiste \u00e0 utiliser le nombre d\u2019inscrits lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives de 2011, des chiffres que le minist\u00e8re de l\u2019Int\u00e9rieur avait publi\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Heureusement, les deux approches donnent des r\u00e9sultats identiques, \u00e0 un si\u00e8ge pr\u00e8s. Nous esp\u00e9rons que le minist\u00e8re r\u00e9pondra rapidement aux requ\u00eates de droit d\u2019acc\u00e8s \u00e0 l\u2019information. Alors que les \u00e9lections approchent, il serait souhaitable de pouvoir disposer des r\u00e9sultats complets des pr\u00e9c\u00e9dentes \u00e9lections, pour pouvoir prendre ce genre de d\u00e9cisions importantes de mani\u00e8re plus inform\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n
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