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Rory Truex – Qu’est-ce que l’autoritarisme ?

L’autoritarisme, qu’est-ce que c’est ? Y a-t-il une place pour la représentation politique dans un régime autoritaire et à quoi peut y ressembler la participation politique ? Fin connaisseur des arcanes politiques chinoises, Rory Truex, professeur de science politique à l’Université de Princeton, explicite ce que l’on entend par autoritarisme et détaille l’éventail de formes de participation que l’on peut y rencontrer.

Qu’est-ce que l’autoritarisme?

Nous avons tendance à penser qu’autoritarisme et démocratie sont en quelque sorte les deux faces opposées du spectre politique.

Les démocraties sont des régimes qui ont des élections libres et équitables, qu’il s’agisse d’élire leur Président ou leur Parlement. Les régimes autoritaires sont simplement des pays qui n’ont pas d’élections libres et équitables.

Il est important de comprendre, concernant l’expression “libre et équitable”, que beaucoup de régimes autoritaires ont des élections pour la Présidence ou pour les membres du Parlement, mais la distinction est que ces élections ne sont pas libres ou pleinement disputées. Elles peuvent être manipulées par le régime ou par le dictateur, et nous avons tendance à qualifier ces régimes de régimes autoritaires compétitifs.

Quelle place pour la représentation politique dans un régime autoritaire ?

Peut-on parler de représentation dans un système non démocratique ? Je pense qu’il existe une forme de représentation, mais ce que nous voyons a tendance à être légèrement différent de ce que nous observons dans les systèmes démocratiques.

Lorsque j’utilise le terme représentation, j’entends généralement la relation entre le législateur et ses électeurs, où le législateur essaie de défendre les électeurs, de les écouter et de promouvoir des politiques qui sont dans leur intérêt.

Ainsi, nous observons dans les systèmes autoritaires des législateurs qui adoptent ce genre de comportements. J’ai réalisé plusieurs travaux sur la Chine où j’ai démontré que les législateurs essaient d’écouter leurs électeurs. Il y a eu des travaux similaires au Vietnam, au Maroc et dans d’autres pays.

Ce qu’il faut surtout noter, c’est que tout cela se produit dans le contexte d’un système autoritaire, ce qui signifie que le régime lui-même contrôle ce qui peut et ne peut pas être dit et ce dont les législateurs peuvent et ne peuvent pas parler.

J’ai donc utilisé l’expression « représentation limitée » pour décrire la nature de la représentation sous un régime autoritaire, ce qui signifie que les législateurs peuvent parler de beaucoup de choses. Ils peuvent défendre les intérêts de leurs électeurs dans un grand nombre de dossiers, mais ils se heurtent toujours au régime. Le régime peut toujours contrôler ce qui peut et ne peut pas être dit.

A quoi ressemble la participation politique dans un régime autoritaire ?

La participation politique, telle que je la définis, est l’acte de citoyens qui essaient de s’impliquer en politique,
de faire entendre leur voix, et d’influencer la politique d’une manière ou d’une autre.

Dans un système autoritaire, il existe en fait un large éventail de formes de participation politique. Nous ne devrions pas présumer que les citoyens sont apathiques ou désengagés simplement parce qu’ils ne vivent pas dans un cadre démocratique. En fait, nous observons bien souvent le contraire.

Parce que les élections, et les autres formes de participation sont peut-être contrôlées par le régime, les citoyens se tournent vers d’autres canaux, en particulier les manifestations, qui représentent une forme importante de participation dans un système autoritaire. Nous observons souvent des niveaux élevés de manifestations dans ces pays.

Un autre aspect de la participation politique est ce que l’on appelle la société civile. La société civile peut aussi bien être une organisation à but non lucratif qu’un club sportif.
En fait, tout ce qui lie vraiment les citoyens dans une société.

La société civile a tendance à être un peu plus faible dans un système autoritaire que dans les démocraties
parce qu’elle est parfois perçue comme une menace pour le régime. Chaque fois que des citoyens s’organisent, se réunissent en dehors du contrôle du régime, cela peut apparaître comme une menace.

Nous voyons souvent des régimes autoritaires qui tentent de manipuler ou de contrôler la société civile. Parfois, nous voyons ces régimes créer leur propre société civile ou organisations pour essayer d’amener les citoyens à s’engager de manière à ce qu’ils puissent être contrôlés.

Le mot de la fin

Il est important de se rappeler qu’il y a beaucoup de types de régimes autoritaires. Il existe des régimes autoritaires qui sont dirigés par un seul parti, comme en Chine, le parti communiste chinois. Il y a des régimes autoritaires qui sont dirigés par une seule personne.

Certains régimes autoritaires sont plus réactifs et essaient d’écouter leurs citoyens. Il y a d’autres régimes autoritaires qui sont plus corrompus et répressifs.

Il est donc important, lorsqu’on pense à l’autoritarisme, de penser à toute la gamme des différents types de régimes
et de se rendre compte que certains de ces régimes sont plus performants que d’autres.