LâĂ©mancipation et lâautonomisation des femmes ont Ă©tĂ© promues, notamment par la rĂ©forme du Code de la famille, tout comme a Ă©tĂ© instituĂ©e la reprĂ©sentation des femmes dans les diffĂ©rentes assemblĂ©es, quâelles soient communales, rĂ©gionales ou nationales. La loi organique 34-15 du 16 juillet 2015 a voulu assurer 30% de femmes Ă©lues au sein des collectivitĂ©s territoriales.
Cependant, lâanalyse territorialisĂ©e des dynamiques sociales et des comportements Ă©lectoraux rĂ©vĂšlent des configurations contradictoires Ă lâĂ©chelle des communes marocaines. On peut dĂšs lors se demander si cadre rĂ©glementaire et pratiques partisanes sont en accord avec la situation sociale des femmes ?
Dans cette premiĂšre partie, Alicia François et David Goeury proposent une analyse fine des dynamiques dâautonomisation des femmes, Ă partir dâune sĂ©rie dâindicateurs liĂ©s aux niveaux dâĂ©ducation, Ă lâĂąge au mariage, Ă la fĂ©conditĂ©, au taux dâactivitĂ© et Ă lâaccĂšs Ă des revenus monĂ©taires directs. Ils mettent en avant la complexitĂ© des disparitĂ©s territoriales selon les milieux de vie.
Dans une seconde partie Ă paraĂźtre, ils sâintĂ©resseront cette fois Ă la reprĂ©sentation politique des femmes au sein des conseils Ă©lus. Et montreront que la logique rĂšglementaire adoptĂ©e a favorisĂ© la fĂ©minisation dans les communes les moins peuplĂ©es du royaume, sans pour autant renforcer lâaccĂšs des femmes aux fonctions politiques clĂ©s et notamment les prĂ©sidences des diffĂ©rents conseils.
Pour mieux comprendre les dynamiques Ă lâĆuvre, A. François et D. Goeury proposent une analyse des dynamiques communales Ă lâĂ©chelle nationale quâils dĂ©clinent Ă lâĂ©chelle des rĂ©gions de Casablanca-Settat et Rabat-SalĂ©-KĂ©nitra pour mieux saisir lâampleur des disparitĂ©s territoriales au sein des deux rĂ©gions les plus dynamiques du royaume. Pour cela, ils mettent en perspective les donnĂ©es du recensement gĂ©nĂ©ral de la population et de lâhabitat de 2014 avec les donnĂ©es Ă©lectorales des Ă©lections communales de 2015.
Une autonomisation contrastée : des disparités territoriales trÚs importantes et persistantes
Nous choisirons ici de comparer trois milieux de vie :
- Les arrondissements, qui désignent les quartiers des six plus grandes villes du Royaume (Casablanca, Rabat, Salé, Marrakech, Tanger, FÚs) soit 41 communes qui abritent 7,7 millions de personnes ;
- Les municipalitĂ©s, qui sont les autres communes considĂ©rĂ©es comme urbaines par lâadministration marocaine car densĂ©ment peuplĂ©es et concentrant de nombreux services, soit 215 communes oĂč rĂ©sident 11,5 millions de personnes ;
- Les communes rurales qui sont les communes les moins densĂ©ment peuplĂ©es, soit 1282 communes oĂč habitent 14,5 millions de personnes.
La question de lâautonomie des femmes est difficile Ă mesurer tant les indicateurs choisis relĂšvent de perceptions prĂ©Ă©tablies selon un modĂšle de sociĂ©tĂ©. Aujourdâhui, les organisations internationales privilĂ©gient la poursuite des Ă©tudes, lâĂąge au mariage, la fĂ©conditĂ©, le salariat ou lâentrepreneuriat dans un cadre rĂ©glementaire. Cependant, il faut souligner que ces phĂ©nomĂšnes ne sont pas systĂ©matiquement corrĂ©lĂ©s, notamment dans le cas marocain oĂč la poursuite dâĂ©tudes secondaires et supĂ©rieures sâest accrue depuis 2004, tout en Ă©tant accompagnĂ©e dâun Ăąge au mariage plus prĂ©coce qui est de 25,7 ans en 2014 contre 26,3 ans en 2004.
Par consĂ©quent, les disparitĂ©s Ă lâĂ©chelle nationale en fonction des provinces mais surtout des milieux de vie nĂ©cessitent une analyse approfondie.
Les plus grandes disparitĂ©s relĂšvent de lâĂ©ducation
Dans les arrondissements, seules 26,5% des femmes sont analphabĂštes tandis que 12,04% sont diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur. En revanche, dans les municipalitĂ©s, le taux dâanalphabĂ©tisme est de 10 points supĂ©rieur (36,8%) tandis que la part des diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur est divisĂ©e par deux, avec 5.8%. Enfin, dans les communes rurales, le taux dâanalphabĂ©tisme fĂ©minin est extrĂȘmement Ă©levĂ©, 60.5%, tandis que les femmes diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur sont trĂšs peu nombreuses, 1.02% en moyenne.
Ces niveaux dâĂ©ducation trĂšs diffĂ©renciĂ©s se traduisent par une diffĂ©rence dâĂąge au mariage des femmes relativement faible entre les arrondissements (27,8 ans), les municipalitĂ©s (25,8 ans) et les communes rurales (25,3 ans) ; lâavancĂ©e de lâĂąge au mariage de 2004 Ă 2014 ayant concernĂ© les villes comme les campagnes.
De mĂȘme, le comportement dĂ©mographique converge avec lâindice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© (ISF) de 1,8 enfant par femme pour les arrondissements, 2,1 dans les municipalitĂ©s et 2,5 dans les communes rurales. Or, lĂ encore, la fĂ©conditĂ© des femmes rurales a continuĂ© Ă baisser, tandis que celle des femmes urbaines a lĂ©gĂšrement progressĂ© depuis 2004. DĂ©sormais, seules 260 communes ont un taux supĂ©rieur Ă 3, et 30 ont un taux compris entre 4 et 5. En effet, les femmes les moins Ă©duquĂ©es imitent les femmes les plus Ă©duquĂ©es notamment afin de pouvoir garantir une Ă©ducation de qualitĂ© Ă leurs enfants.
Ainsi, le taux de scolarisation des filles de 7 à 12 ans est de 98,1% dans les arrondissements, de 97,5% dans les municipalités et de 90% dans les communes rurales.
Les rĂ©gions de Casablanca-Settat et Rabat-SalĂ©-KĂ©nitra sâinscrivent dans la mĂȘme logique, mĂȘme si les femmes ont un niveau dâĂ©ducation lĂ©gĂšrement plus Ă©levĂ©. Dans les arrondissements de Casablanca, Rabat et SalĂ© (26 communes oĂč rĂ©sident 4,8 millions dâhabitants), seules 23% sont analphabĂštes tandis que 13% ont un niveau dâĂ©tude supĂ©rieur. De mĂȘme, dans les municipalitĂ©s des deux rĂ©gions (49 communes pour 3,1 millions dâhabitants), 33% des femmes sont analphabĂštes et seulement 6,7% sont diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur. Enfin, dans les communes rurales (215 communes pour 3,4 millions dâhabitants), plus de 60% sont analphabĂštes comme dans les autres communes rurales du royaume ; cependant, 3,08% des femmes y sont diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur.
La prĂ©cocitĂ© de lâĂąge au mariage ne se traduit pas par une fĂ©conditĂ© plus importante
Ces niveaux dâĂ©ducation diffĂ©renciĂ©s se traduisent dans les arrondissements de Casablanca, Rabat et SalĂ© par un Ăąge au mariage plus tardif, qui dĂ©passe les 28 ans et un indice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© plus faible, 1,7 enfant par femme. En revanche, la fĂ©conditĂ© dans les municipalitĂ©s et les communes rurales des deux rĂ©gions est identique Ă celles du reste du royaume avec respectivement 2,1 enfants et 2,5 enfants par femme, alors que lâĂąge au mariage y est plus prĂ©coce avec 25,5 ans dans les communes urbaines et 23,6 ans dans les communes rurales. Par consĂ©quent, il apparaĂźt que la prĂ©cocitĂ© de lâĂąge au mariage a peu impactĂ© la fĂ©conditĂ© : une seule commune conserve un ISF supĂ©rieur Ă 4 et 33 communes un ISF supĂ©rieur Ă 3.
Par ailleurs, au sein des 12 communes prĂ©sentant un indice de fĂ©conditĂ© infĂ©rieur ou Ă©gal Ă 1,5 se retrouvent aussi bien huit arrondissements de Rabat et Casablanca concentrant les diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur comme Souissi, Agdal-Riyad mais aussi deux petites communes rurales isolĂ©es de la province de KhĂ©misset, Ait Buyahya El Hajjama et Ait Malek, qui comptent moins de 1% de femmes diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur. Il apparaĂźt donc une trĂšs forte convergence des comportements dĂ©mographiques entre les diffĂ©rents milieux de vie et cela indĂ©pendamment du niveau dâĂ©ducation.
Les taux de scolarisation des filles de 7 Ă 12 ans sont comparables aux autres communes du royaume : 98,3% dans les arrondissements, 97,4% dans les municipalitĂ©s et 90% dans les communes rurales. Seules 15 communes rurales au sein de ces deux rĂ©gions ont un taux de scolarisation des filles infĂ©rieur Ă 80% ; câest la commune rurale de Bouqachmir dans la province de KhĂ©misset qui, avec 71%, affiche le plus faible taux. La progression du taux de scolarisation des filles est fortement corrĂ©lĂ©e Ă la baisse de la fĂ©conditĂ©.
Ăducation secondaire ou supĂ©rieure, Ăąge plus tardif au mariage et surtout diminution de la fĂ©conditĂ© ouvrent normalement la possibilitĂ© dâaccĂ©der au marchĂ© de lâemploi et ainsi Ă une participation accrue Ă la vie Ă©conomique en dehors de la sphĂšre domestique. LâaccĂšs Ă des revenus monĂ©taires directs sans passer par une autoritĂ© familiale est considĂ©rĂ© comme le vĂ©ritable indicateur dâautonomie des femmes. Or, les tendances nationales de 2004 Ă 2014 sont assez complexes.
Baisse du taux dâemploi fĂ©minin : resserrement de la mesure de lâactivitĂ© autour du salariat
Le taux de scolarisation, le pourcentage de diplĂŽmĂ©es universitaires ont progressĂ©, ce qui indique un accĂšs grandissant Ă lâĂ©ducation formelle et Ă un investissement des familles pour permettre aux filles dâaccĂ©der Ă des compĂ©tences en vue dâune autonomie Ă©conomique. Cependant, ce processus amĂšne aussi Ă une mise en invisibilitĂ© du travail des femmes qui sont rapidement cantonnĂ©es dans la sphĂšre domestique par les recenseurs, qui dĂ©ploient un idĂ©al type dâemploi selon les standards internationaux, soit une participation directe Ă des activitĂ©s marchandes.
Ainsi, il faut souligner plusieurs diffĂ©rences entre le recensement de 2004 et celui de 2014. PremiĂšrement, en 2004, les recenseurs prenaient en compte le travail des enfants Ă partir de lâĂąge de 7 ans, alors quâen 2014, les actifs sont recensĂ©s uniquement Ă partir de lâĂąge de 15 ans. Le phĂ©nomĂšne a certes fortement baissĂ©, seuls 1,5% des enfants de 7 Ă 15 ans travaillaient en 2014 (62 000 enfants dont 39,9% de filles), mais il existe toujours de maniĂšre rĂ©siduelle sans apparaĂźtre dans le recensement.
Ensuite, il semble important de sâinterroger sur la dĂ©claration dâactivitĂ©. En effet, dans certaines communes rurales, le nombre de femmes actives a fortement baissĂ© entre 2004 et 2014. Ainsi, deux communes rurales limitrophes, Khouzama et Siroua, sises dans la province de Ouarzazate, connues pour leur production de tapis, ont vu le nombre de femmes actives Ă©voluer diffĂ©remment : la commune de Khouzama qui a le deuxiĂšme plus fort taux dâactivitĂ© fĂ©minin du royaume en 2014 (70%) est passĂ©e de 2 170 femmes actives Ă 2 150 en 10 ans, conservant le mĂȘme nombre de femmes dĂ©clarĂ©es comme indĂ©pendantes et comme femmes aides familiales. En revanche, la commune de Siroua est passĂ©e de 2 215 femmes actives Ă 1 217, (soit 998 femmes dĂ©sormais recensĂ©es comme inactives), dont 60% sont considĂ©rĂ©es comme indĂ©pendantes et 40% comme aides familiales. Ces divergences interrogent donc sur les choix opĂ©rĂ©s lors du recensement de 2014 pour classer les femmes entre indĂ©pendantes, aides familiales et actives.
Par consĂ©quent, Ă lâĂ©chelle nationale, le taux dâactivitĂ© a diminuĂ© et le nombre de femmes actives est passĂ© de 2,65 millions Ă 2,51 millions amenant Ă un resserrement de la mesure de lâactivitĂ© autour du salariat qui couvre dĂ©sormais 71% des emplois fĂ©minins et tout particuliĂšrement le salariat privĂ© avec 57,3% des emplois. 1,4 million de femmes sont dĂ©sormais salariĂ©es dans le privĂ© contre 823 000 en 2004. De mĂȘme, les salariĂ©es dans le public sont passĂ©es de 257 000 Ă 350 000. Il faut aussi noter que les femmes employeurs ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par trois, atteignant 50 000 femmes. Par consĂ©quent, lâaccĂšs aux emplois de qualitĂ© sâest amĂ©liorĂ© pour les femmes marocaines.
En revanche, le nombre de femmes indépendantes stagne à 350 000 et surtout le nombre de femmes aides familiales a été divisé par deux. Se pose alors la question de savoir si cela traduit une véritable mise en retrait des femmes des activités économiques familiales ou au contraire, un biais statistique qui ignore la participation de ces derniÚres à de petites entreprises familiales du fait de leur non déclaration.
Cette situation peut aussi ĂȘtre expliquĂ©e par un changement dâhorizon des femmes. Ces derniĂšres, du fait dâun accĂšs Ă lâĂ©ducation accrue, souhaitent dĂ©sormais accĂ©der Ă des emplois salariĂ©s de qualitĂ©. Or, malgrĂ© un accĂšs plus important au salariat, le marchĂ© de lâemploi apparaĂźt comme incapable de rĂ©pondre aux attentes des femmes qui se dĂ©clarent dĂ©sormais au chĂŽmage ; ainsi le taux de chĂŽmage de ces derniĂšres sâest hissĂ© Ă 29,6%.
Plus le taux dâactivitĂ© dans la commune est Ă©levĂ©, plus le taux de chĂŽmage fĂ©minin est faible
Or, cette configuration amĂšne de trĂšs importantes disparitĂ©s spatiales entre les communes, car les emplois salariĂ©s privĂ©s restent massivement concentrĂ©s dans les zones Ă©conomiques les plus dynamiques et notamment les centres mĂ©tropolitains. En ce qui concerne les indicateurs de lâactivitĂ© et du chĂŽmage, les arrondissements prĂ©sentent un taux dâactivitĂ© fĂ©minin plus Ă©levĂ©, 29,9% et un taux de chĂŽmage fĂ©minin de 26,4%. Au sein des municipalitĂ©s, le taux dâactivitĂ© chute de 10 points Ă 19% tandis que le taux de chĂŽmage progresse de 12 points Ă 38,6% ; enfin dans les communes rurales, le taux dâactivitĂ© fĂ©minin baisse encore Ă 11,6% tandis que le taux de chĂŽmage sâĂ©tablit Ă 35,2%.
Les communes rurales peuvent se caractĂ©riser par un trĂšs faible taux dâactivitĂ© et un trĂšs faible taux de chĂŽmage : les femmes ayant renoncĂ© Ă chercher un emploi salariĂ© du fait de lâinexistence de ces derniers en milieu rural alors que dans certains arrondissements populaires des grandes mĂ©tropoles et de nombreuses villes moyennes, de nombreuses femmes sont Ă la recherche active dâun emploi salariĂ© mĂȘme si ces derniers sont rares.
Dans les rĂ©gions de Casablanca-Settat et Rabat-SalĂ©-KĂ©nitra, ces clivages sont encore plus forts du fait de la dynamique Ă©conomique trĂšs forte des mĂ©tropoles. Ainsi, les arrondissements et les municipalitĂ©s ont des taux dâactivitĂ© fĂ©minin plus Ă©levĂ©s de 5 points (respectivement 34% et 24%), tandis que celui des communes rurales est lĂ©gĂšrement plus faible (11,2%). Par ailleurs, les taux de chĂŽmage fĂ©minin sont plus faibles : 25,6% pour les arrondissements, 32,3% pour les municipalitĂ©s et 33,3% pour les communes rurales. Ainsi, les communes disposant des plus forts taux dâactivitĂ©, soit supĂ©rieurs Ă 40%, ont un taux de chĂŽmage fĂ©minin infĂ©rieur Ă la moyenne nationale de 13 points avec 16,1%. En revanche, le taux de chĂŽmage fĂ©minin dĂ©passe 50% dans 40 communes qui ont un taux dâactivitĂ© fĂ©minin moyen de 8,7%.
Des disparités territoriales croissantes entre les métropoles et les communes rurales
Au sein des deux rĂ©gions de Casablanca-Settat et Rabat-SalĂ©-KĂ©nitra, les inĂ©galitĂ©s socio-territoriales sont donc particuliĂšrement Ă©levĂ©es malgrĂ© la relative proximitĂ© entre les communes. Agdal Ryad Ă Rabat prĂ©sente ainsi une configuration exceptionnelle, avec un taux dâactivitĂ© fĂ©minin de 47,4%, un chĂŽmage fĂ©minin trĂšs faible (11.1%), couplĂ© Ă un taux dâĂ©ducation du supĂ©rieur de 39,3%, dâun ISF de 1,5 et dâun Ăąge au mariage parmi les plus tardifs (30 ans), comparable aux standards des pays les plus avancĂ©s. Cette configuration se retrouve dans lâarrondissement de Rabat Souissi mais aussi dans la petite commune littorale dâHarhoura, de 15 361 habitants en 2014 qui abrite de nombreux cadres travaillant Ă Rabat. Ces deux communes ont un taux de diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur dĂ©passant les 30%, contre 5,4% Ă lâĂ©chelle nationale. Cette singularitĂ© est Ă comprendre dans le cadre de dĂ©coupages administratifs associĂ©s Ă des politiques dâamĂ©nagement, privilĂ©giant les zones villas et les immeubles de standing favorisant une forte sĂ©lection sociale. Les autres arrondissements prĂ©sentant des taux particuliĂšrement Ă©levĂ©s de diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur sont en fait beaucoup plus peuplĂ©s et aussi beaucoup plus mixtes socialement, comme Hassan Ă Rabat, ou Al Maarif, Anfa, Assoukhour Assawda Ă Casablanca qui dĂ©passent les 15% de diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur.
Ces communes sont aussi celles qui disposent des taux dâactivitĂ© fĂ©minin les plus Ă©levĂ©s. Ils dĂ©passent les 40% uniquement dans sept communes : les arrondissements de Rabat (Agdal Ryad, Souissi, Hassan) avec la commune de Touarga liĂ©e au Palais royal et deux arrondissements de Casablanca (El Maarif, Anfa), auxquels sâajoute la commune dâHarhoura, prĂ©sentĂ©e prĂ©cĂ©demment. En revanche, les plus faibles taux dâactivitĂ© fĂ©minin se trouvent dans des communes rurales, dont 26 ont un taux infĂ©rieur Ă 5%. Au sein de ces communes, seules 0,6% des femmes sont diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur. Cependant, leur fĂ©conditĂ© fluctue entre 1,9 et 4,2, de mĂȘme le taux de scolarisation des filles de 7 Ă 12 ans varie entre 71% et 95,6%, attestant de situations familiales et scolaires trĂšs diffĂ©rentes. Quelques communes prĂ©sentent un cumul dâindicateurs attestant de leur maintien dans une dynamique trĂšs peu favorable aux femmes comme Bni Yagrine dans la province de Settat, oĂč seules 36 femmes sur 6 178 sont dĂ©clarĂ©es comme actives ; aucune nâest diplĂŽmĂ©e du supĂ©rieur, seules 2,1% ont poursuivi des Ă©tudes secondaires, tandis que seulement 75,2% des filles sont scolarisĂ©es, lâindice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© restant particuliĂšrement Ă©levĂ© avec 3,2 enfants par femmes.
Conclusion
MalgrĂ© un cadre rĂ©glementaire qui renforce lâautonomie des femmes, il apparaĂźt que le Maroc a Ă©tĂ© marquĂ© par une phase complexe de rĂ©gression durant la derniĂšre dĂ©cennie. AvancĂ©e de lâĂąge au mariage des femmes, recul du taux dâactivitĂ© fĂ©minin et augmentation du taux de chĂŽmage des femmes apparaissent comme divergentes du cadre juridique et des efforts de promotion des femmes. Cependant, les phĂ©nomĂšnes sont plus complexes : les femmes ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun accĂšs plus important Ă lâemploi salariĂ©, Ă la crĂ©ation dâentreprises grĂące Ă un niveau dâĂ©ducation plus Ă©levĂ© amenant Ă un changement dâhorizon Ă©conomique. Or, seuls quelques quartiers des grandes mĂ©tropoles concentrent les opportunitĂ©s pour les femmes amenant Ă une polarisation croissante du territoire marocain et des inĂ©galitĂ©s grandissantes entre ces mĂ©tropoles et le reste du territoire.